Acouphènes

Acouphènes : Comprendre, Diagnostiquer et Traiter

Qu’est-ce que les acouphènes ?

Les acouphènes se définissent par la perception de sons sans qu’il n’y ait de source sonore extérieure. Ils peuvent être continus ou intermittents et varient en intensité et en type de son, allant d’un léger bourdonnement à un sifflement perçant. Les acouphènes ne sont pas considérés comme une maladie en eux-mêmes, mais ils sont souvent le signe d’une affection sous-jacente et peuvent avoir un impact significatif sur la qualité de vie des personnes qui en souffrent. Il est donc important de les prendre en compte et de rechercher les causes possibles.

Différents types d’acouphènes

Les acouphènes peuvent être classés en deux grandes catégories :

  1. Acouphènes subjectifs : Les plus courants, ces acouphènes ne peuvent être entendus que par la personne affectée. Le patient entend donc des sons qui n’existent pas. Ces « faux » sons peuvent provenir de 3 sources : l’appareil auditif émet un son qui n’existe pas. Le nerf auditif transmet un son non reçu. Le cerveau identifie un son non reçu. Il existe donc un disfonctionnement et il est souhaitable d’en rechercher les causes.
  2. Acouphènes objectifs : Plus rares, ils peuvent être entendus par un médecin lors d’un examen, généralement à l’aide d’un stéthoscope. Ce type d’acouphène est souvent lié à des anomalies vasculaires ou à des contractions musculaires au niveau de l’oreille interne.

Prévalence et Impact

Les acouphènes touchent un nombre significatif de personnes à travers le monde. Voici quelques chiffres clés pour mieux comprendre l’ampleur de ce problème :

  • Globalement : On estime qu’environ 15 à 20 % de la population mondiale connaît les acouphènes à un moment donné de sa vie.
  • En France : Plus de 8 millions de personnes souffriraient d’acouphènes, avec environ 2 à 3 millions d’entre elles qui déclarent que cela affecte gravement leur quotidien : difficulté à communiquer et entendre les autres surtout en public, troubles du sommeil et fatigue, etc.
  • Personnes touchées : Les acouphènes sont plus fréquents chez les personnes de plus de 50 ans, souvent en lien avec un vieillissement cérébral. Les jeunes peuvent aussi être atteints après des expositions trop fortes aux sons (concert, écouteurs, etc.). Ainsi que les personnes exposées à de forte surpressions : plongée profonde, explosion (militaires, chasseurs, etc.). De nombreux patients déclarent que les acouphènes sont survenus après une forte période de stress, qui a pu servir de déclencheur.

Causes des acouphènes

Les causes des acouphènes sont males connues et peuvent résulter de diverses conditions ou situations, parmi lesquelles :

  • Vieillissement cérébral : Le cerveau comme le reste de l’organisme vieillit mais cela n’est pas visible si ce n’est par des symptômes souvent liés aux acouphènes : perte de mémoire, perte d’équilibre ou de motricité fine. Comme le reste de l’organisme le cerveau peut être entretenu pour moins subir les effets du vieillissement.
  • Exposition à des bruits forts : Les personnes exposées régulièrement à des environnements bruyants (musiciens, ouvriers du bâtiment, etc.) ou à des sons amplifiés (écouteurs dans les oreilles, concerts surtout à proximité des enceintes) sont plus à risque. Une seule exposition à un bruit extrêmement fort (comme une explosion) peut également causer des acouphènes permanents. Cela concerne les militaires, les artificiers ou les chasseurs.
  • Perte auditive liée à l’âge (Presbyacousie) : La diminution de l’audition due à l’âge est une cause fréquente des acouphènes. Elle est souvent due à la détérioration progressive des cellules ciliées de la cochlée, responsables de la perception des sons.
  • Troubles de l’oreille : Des problèmes au niveau de l’oreille moyenne ou interne, tels que l’otosclérose ou les infections de l’oreille, peuvent entraîner des acouphènes.
  • Problèmes de santé sous-jacents : Certaines conditions, comme l’hypertension, le diabète, ou des troubles circulatoires, peuvent provoquer ou aggraver les acouphènes. De même, des affections neurologiques comme la sclérose en plaques peuvent être en cause. Dans certains cas rares, une tumeur peut être la cause (par exemple effectuant une pression sur le nerf auditif)
  • Médicaments ototoxiques : Certains médicaments peuvent endommager l’oreille interne, causant des acouphènes. Parmi eux, on trouve des antibiotiques (comme les aminoglycosides), des diurétiques, certains anticancéreux, et même des doses élevées d’aspirine. Cela rappelle qu’il faut éviter l’automédication (prise de médicament sans avis médical) et l’usage abusif des médicaments.

Diagnostic des acouphènes

Le diagnostic des acouphènes commence par une consultation chez un médecin généraliste ou un médecin ORL (oto-rhino-laryngologiste). Le processus peut inclure :

  • Anamnèse détaillée : Le médecin s’enquiert de l’historique médical, des symptômes, de leur fréquence, et de leur impact sur la vie quotidienne.
  • Examen clinique : Un examen de l’oreille à l’aide d’un otoscope permet de détecter d’éventuelles anomalies physiques.
  • Tests auditifs : Un audiogramme peut être réalisé pour évaluer la perte auditive associée. Des tests de seuils auditifs et de perception des sons peuvent aider à caractériser les acouphènes.
  • Imagerie médicale : Dans certains cas, une IRM ou un scanner peut être recommandé pour écarter des pathologies graves comme une tumeur ou une anomalie vasculaire.

Cette étape de diagnostic est importante pour détecter les éventuelles causes objectives des acouphènes et commencer à les prendre en charge : sans action les acouphènes peuvent devenir obsédant et endommager fortement la qualité de vie. Il est donc important de s’adresser en priorité à son médecin généraliste.

Prevention des Acouphènes

Il est toujours souhaitable de prévenir plutôt que guérir. Même après la survenue des acouphènes il reste intéressant d’éliminer le plus rapidement possible les causes :

  • Vieillissement cérébral : Le cerveau se « répare » surtout pendant le sommeil. Beaucoup de mécanismes font encore l’objet d’études mais il semble que les phases de sommeil profonds soient importantes. Il faut donc veiller à la durée, la régularité et la qualité du sommeil. La durée peut être augmentée par une courte sieste (30 minutes) si elle se fait dans des conditions de sommeil profond (calme, absence de lumière). Pour la qualité il convient de limiter les écrans avant le coucher (la lumière bleue est stimulante).    
  • Stress : l’excès de stress est défavorable pour toutes les maladies. Pour le limiter les exercices de respiration profondes et le sport sont assez efficaces et peuvent si besoin être complétés par des médications légères.
  • Activité physique : Le cerveau est un organe très gourmand en oxygène et il nécessite donc d’être bien vascularisé (irrigué par le sang). Pour une bonne circulation sanguine, il est important d’avoir une activité physique suffisante : marcher chaque jour par exemple. Et suffisamment intense n essayant de parvenir au moins une fois par semaine à l’essoufflement : en montant des escaliers par exemple.
  • Alimentation équilibrée : De nombreux nutriments participent au bon fonctionnement cérébral. Une alimentation variée et équilibrée est donc recommandée. De nombreuses personnes sont par exemple en déficit de magnésium, alors qu’il est important pour le cerveau et contre le stress.
  • Protection auditive : Utiliser des bouchons d’oreilles ou des casques antibruit dans des environnements bruyants (concerts, chantiers, etc.).
  • Éviter les niveaux sonores excessifs : Limiter l’exposition aux bruits forts, notamment lors de l’écoute de musique avec des écouteurs.

Traitements des acouphènes

Les causes des acouphènes sont très variées et Il n’existe pas de solution valable pour tous les cas, mais plusieurs approches peuvent aider à les gérer ou à en réduire l’impact :

  1. Thérapies sonores :
    • Générateurs de bruit blanc : Ces appareils diffusent un bruit constant complémentaire aux acouphènes et qui peut les masquer, ou au moins aider les patients à mieux dormir ou se concentrer. C’est exactement le même principe que les casques utilisés par les grands voyageurs en avion. Cela semble une piste intéressante en particulier pour essayer de retrouver un sommeil normal, ou au moins pour les acouphènes ne deviennent pas une obsession au coucher. Le bon réglage de ces générateurs est essentiel.
    • Appareils auditifs : Pour les personnes ayant une perte auditive, des appareils auditifs peuvent amplifier les sons externes, réduisant ainsi la perception des acouphènes. Cette amplification peut cependant fatiguer encore un plus les organes déficients. C’est une piste pour préserver les contacts sociaux.
    • Enrichissement sonore : L’écoute de sons apaisants, comme le bruit de la pluie ou des vagues, peut aider à détourner l’attention des acouphènes. Cela peut notamment être utilisé pour faciliter l’endormissement.
  2. Thérapies comportementales et alternatives:
    • Les Thérapies comportementales et cognitives (TCC) : elles ne soignent pas les acouphènes elles permettent de mieux les supporter ou d’apprendre à vivre avec. Elles visent à changer la manière dont une personne réagit aux acouphènes, en réduisant l’anxiété et en modifiant les comportements qui aggravent le stress. Elles sont souvent efficaces pour diminuer l’impact des acouphènes sur la vie quotidienne.
    • L’acupuncture (11) : C’est une pratique millénaire de la médecine « chinoise » ; elle est basée sur stimulation de points « énergétiques » à l’aide d’aiguilles, pour soulager divers maux, dont les acouphènes. Ceux-ci sont pour la médecine « chinoise » liés aux reins, à la rate et aux cellules sanguines. Cette approche semble particulièrement adaptée aux acouphène semblant déclenchés par un évènement émotionnel. 
  3. Médicaments et compléments nutritionnels :
    • Anxiolytiques et antidépresseurs : Dans certains cas, ces médicaments peuvent être prescrits pour aider à gérer l’anxiété ou la dépression causée par les acouphènes. Leur utilisation est cependant susceptible de provoquer un « ralentissement » des fonctions cérébrales ce qui n’est pas bon pour l’évolution des acouphènes. Mais cela peut être un préalable nécessaire à d’autres approches en cas dépression.
    • Médicaments améliorant la circulation sanguine : Bien que controversés, certains traitements médicamenteux spécifiques peuvent être proposés, mais leur efficacité est variable. C’est une piste intéressante mais qui doit être prise sur prescription médicale et jamais en automédication : ce qui est valable pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre.
    • Compléments nutritionnels : Comme toujours il faut se méfier des promesses faites sur les réseaux sociaux pour des produits « miracles » vendus sur internet. Certaines propositions vendues en pharmacie semblent toutefois montrer une réelle efficacité et sont très appréciés  : votre pharmacien pourra aussi vous accompagner et prendre en compte vos traitements et les différentes solutions mises en œuvre.

  1. Interventions médicales :
    • Stimulations magnétiques transcrâniennes : Cette technique utilise des champs magnétiques pour stimuler certaines zones du cerveau. Elle semble montrer une efficacité.
    • Implants cochléaires : Pour les personnes atteintes de surdité sévère accompagnée d’acouphènes, un implant cochléaire peut aider à améliorer l’audition et, par conséquent, aider à réduire la perception des acouphènes.
    • Interventions dentaires : Dans certains cas les acouphènes pourraient être liés à des problèmes dentaires. La bonne hygiène dentaire et les soins appropriés sont importants.
  2. Gestion du stress et hygiène de vie :
    • Réduire le stress et adopter un mode de vie sain (exercice régulier, alimentation équilibrée) peut atténuer les symptômes des acouphènes.
    • Éviter la caféine, l’alcool, et le tabac, qui peuvent aggraver les acouphènes.

Ressources : La recherche médicale ne cesse de faire des progrès. Nous listons ci-après quelques études intéressantes pour les plus intéressés

ETUDE 1 / Notre avis /pourquoi cette étude ?

Elle montre que la maladie est male connue et que chacun doit explorer les voies les plus proches de son cas, et aussi que l’addition de moyens favorise l’atteinte de résultats positifs. La réduction du stress et l’anxiété sont certainement des axes de travail pour augmenter les chances de succès. Cette lecture permet d’imaginer des pistes, et donc de porter toutes les informations possiblement intéressantes à la connaissance de son médecin.

Acouphènes : Aperçu clinique de la physiopathologie des acouphènes – Une perspective – Juin 2024

Berthold LangguthDirk de RidderWinfried Schlee, and Tobias Kleinjung

Etude originale publiée en anglais. Traduction libre. Se référer à l’original;

Introduction

La pertinence des observations cliniques

Historiquement, les progrès de la médecine commencent généralement par une description complète des symptômes cliniques et de leur définition. L’étape suivante consiste à regrouper les symptômes courants en syndromes et à élaborer des modèles physiopathologiques sur la base de leurs caractéristiques. Ce processus s’appuie sur des recherches histologiques et anatomiques, ainsi que sur des études d’imagerie, de laboratoire et de génétique, afin d’identifier les corrélats structurels des syndromes cliniques. Les modèles physiopathologiques constituent la base du développement des approches thérapeutiques. Dans de nombreux cas, les effets thérapeutiques ont été découverts par hasard, par exemple dans le cas des neuroleptiques. Ces découvertes fortuites fournissent des indications supplémentaires pour comprendre la physiopathologie d’un trouble particulier. Ainsi, d’un point de vue historique, les observations cliniques constituent la base du développement de modèles physiopathologiques qui, à leur tour, permettent une meilleure compréhension d’une maladie ou d’un trouble.

Modèles physiopathologiques des acouphènes

En ce qui concerne les acouphènes, on dit souvent que leur physiopathologie est incomplètement comprise. En effet, il existe de nombreux modèles physiopathologiques des acouphènes (qui ne s’excluent pas mutuellement), mais aucun d’entre eux ne peut expliquer de manière exhaustive tous les aspects cliniques pertinents des acouphènes. Le modèle périphérique implique un dysfonctionnement de la périphérie auditive, tel qu’une lésion de la cochlée ou du nerf auditif. Cela peut entraîner une activité neuronale spontanée anormale, interprétée par le cerveau comme un son [1]. Le modèle central se concentre sur les changements dans les voies auditives centrales, déclenchés par une réduction de l’entrée auditive. Ces changements peuvent impliquer des déséquilibres des neurotransmetteurs ainsi qu’une augmentation de l’activité et de la synchronisation neuronales [2]. Outre la modification de l’activité dans les centres de traitement auditif du cerveau, il existe des altérations de l’activité et de la connectivité dans les réseaux non auditifs, en particulier dans les réseaux de perception, de traitement des émotions et les réseaux exécutifs [3, 4, 6]. Le modèle Gating combine ces modèles en postulant que les acouphènes apparaissent lorsqu’il y a une activité accrue dans les voies auditives centrales associée à un déficit inhibiteur frontostriatal, qui empêcherait normalement le signal d’atteindre la perception consciente [5]. Le modèle somatosensoriel se concentre sur les interactions anormales entre les systèmes auditif et somatosensoriel, qui se traduisent finalement par une activité neuronale accrue dans les voies auditives centrales [7]. Plus récemment, un modèle inflammatoire [8] a été proposé pour expliquer l’émergence des acouphènes. Outre ces modèles physiopathologiques, il existe également des modèles psychologiques [9] et des modèles basés sur la théorie de la perception [10, 11].

Hétérogénéité des acouphènes

La question se pose de savoir pourquoi une affection telle que les acouphènes, dont la prévalence est élevée [12] et l’importance socio-économique importante [13], reste encore un mystère aujourd’hui. La recherche d’explications à cette situation insatisfaisante conduit presque toujours au fait que les acouphènes sont une entité clinique loin d’être homogène [14, 15]. Les facteurs étiologiques et les déclencheurs varient d’un patient à l’autre, mais les aspects perceptifs, les comorbidités, le fardeau, les facteurs modificateurs et la réponse aux interventions thérapeutiques varient également considérablement. Un modèle physiopathologique généralement valable doit tenir compte de cette variabilité ou au moins expliquer les caractéristiques de sous-types distincts et clairement définis. Comme de tels modèles physiopathologiques n’existent pas encore, la question de savoir s’il existe une « voie physiopathologique commune finale » ou, en d’autres termes, des altérations physiopathologiques que l’on peut retrouver chez tous les patients acouphéniques, ou s’il existe différentes formes d’acouphènes avec différentes altérations physiopathologiques qui peuvent ne pas se chevaucher du tout, reste un sujet de débat. Pour les deux scénarios, il existe des exemples en médecine. La schizophrénie est un trouble dont l’évolution clinique et la symptomatologie sont très variables. Cependant, le blocage pharmacologique des récepteurs de la dopamine peut réduire les symptômes cliniques dans presque tous les cas, ce qui indique que le dérèglement des voies dopaminergiques représente une voie commune à toutes les formes de schizophrénie. Au contraire, dans le cas des céphalées, la différenciation des sous-types s’est avérée essentielle pour la réussite du traitement. La classification internationale des céphalées (ICHD) répertorie plus de 200 sous-types et il existe des traitements spécifiques pour ces différents sous-types. La migraine, les céphalées de tension, les céphalées en grappe ou la névralgie du trijumeau – pour n’en citer que quelques-unes – peuvent être traitées de manière optimale par des régimes thérapeutiques complètement différents.

Dans cet article de perspective, nous aborderons divers aspects cliniques des acouphènes et les connaissances sur les mécanismes physiopathologiques que nous pouvons tirer de ces phénomènes cliniques. Nous aborderons également les aspects cliniques qui sont actuellement encore incomplètement compris, car ces derniers donnent des indications sur la direction que devrait prendre la recherche à l’avenir.

Facteurs étiologiques

Selon une revue systématique récente [16], la perte auditive, l’exposition au bruit professionnel, l’otite moyenne, les médicaments ototoxiques et la dépression ont été identifiés comme les principaux facteurs de risque pour le développement des acouphènes.

Perte auditive

Ces résultats confirment que la privation d’informations auditives est le facteur de risque le plus important pour le développement des acouphènes [1]. Cette notion est également étayée par le fait que la latéralité et la fréquence des acouphènes correspondent généralement à la perte auditive [17, 18]. Par exemple, un patient souffrant d’une perte auditive du côté gauche à une fréquence de 4 kHz perçoit généralement son acouphène comme un son de 4 kHz du côté gauche. Cependant, toutes les personnes souffrant d’une perte auditive ne développent pas d’acouphènes et tous les patients souffrant d’acouphènes ne présentent pas de perte auditive. La question de savoir si les patients acouphéniques ayant des seuils d’audition normaux ont réellement une audition tout à fait normale ou s’ils présentent une forme de déficience auditive qui n’est pas détectée par l’audiogramme standard qui n’échantillonne que 8 fréquences du spectre auditif humain, qui s’étend d’environ 20 Hz à 20 kHz, est sujette à controverse. Des études menées sur ces sujets ont montré qu’ils pouvaient souffrir d’une perte auditive dans la gamme des ultra-hautes fréquences, qui n’est pas systématiquement échantillonnée [19, 20], d’une perte auditive entre les fréquences testées [21] ou d’une lésion des fibres nerveuses auditives à seuil élevé [22]. Une autre explication à la perte auditive sans acouphènes est un délai entre l’apparition de la perte auditive et l’apparition des acouphènes. Dans ce cas, les études transversales détecteront toujours des patients présentant une perte auditive mais pas d’acouphènes. Nous aurons besoin de grands ensembles de données longitudinales et de suivre les patients atteints de perte auditive pour savoir combien d’entre eux développeront des acouphènes et au bout de combien d’années. En outre, l’absence de corrélation univoque entre la perte auditive et les acouphènes met en évidence d’autres facteurs susceptibles de jouer un rôle.

Le système somatosensoriel

Plusieurs éléments indiquent l’implication du système somatosensoriel (= système des récepteurs sensoriels chargés de recueillir des informations sur le toucher, la température, la position des membres et les dommages tissulaires). Tout d’abord, la majorité des patients acouphéniques peuvent moduler leur acouphène en bougeant la tête [23]. Deuxièmement, la prévalence des acouphènes est plus élevée chez les patients souffrant de troubles de l’articulation temporo-mandibulaire et, chez un sous-ensemble de patients, l’apparition des acouphènes est déclenchée par un traumatisme cervical, tel qu’un coup du lapin [24]. La recherche animale a contribué à l’identification des mécanismes physiopathologiques en démontrant que l’altération des entrées du système somatosensoriel peut influencer l’activité des voies auditives centrales par l’intermédiaire des afférences C2 et trigéminales, qui interagissent avec les entrées auditives au niveau du noyau cochléaire dorsal [7].

Interactions multimodales

La modulation somatosensorielle de la perception des acouphènes et la cooccurrence des acouphènes avec différents types de douleur [25-27] suggèrent qu’une certaine forme de traitement multimodal peut être nécessaire pour la génération et/ou le maintien des acouphènes [11]. En d’autres termes, « lorsque je vois un oiseau qui marche comme un canard, qui nage comme un canard et qui jacasse comme un canard, j’appelle cet oiseau un canard » [28]. Cela peut signifier que les entrées auditives manquantes peuvent être compensées par des entrées somatosensorielles sur la base du mécanisme du test du canard [11]. Curieusement, le système somatosensoriel n’est pas le seul à être impliqué dans les acouphènes. La neige visuelle, l’analogue visuel des acouphènes [29], est comorbide avec les acouphènes [30], et la cataracte est un facteur de risque pour les acouphènes [31]. Cela suggère que le système somatosensoriel n’est peut-être pas le seul à être impliqué dans la génération d’acouphènes, mais que chez certains patients, le système visuel peut l’influencer. De même, le système vestibulaire peut être impliqué. En effet, sur 1000 patients se présentant dans une clinique d’otologie, les acouphènes étaient présents chez 70% d’entre eux, le déséquilibre chez environ 25%, l’otalgie et la plénitude auditive chez environ 20%, avec plus d’un symptôme chez 25% des patients [32, 33]. La comorbidité des acouphènes et des systèmes vestibulaires est la plus évidente dans la maladie de Ménière, dans laquelle les acouphènes et les vertiges font partie des critères de diagnostic [34, 35].

Dépression et anxiété

La dépression est un autre facteur de risque pour les acouphènes [36], et encore plus pour les acouphènes présentant des symptômes comorbides. Dans la maladie de Ménière, une méta-analyse a montré que la prévalence de la dépression est proche de 50 % (37). De même, l’anxiété est associée aux acouphènes [38]. Cela suggère un chevauchement des réseaux cérébraux associés aux acouphènes, à l’anxiété et à la dépression, ou que les acouphènes et les symptômes comorbides peuvent déclencher l’activation des réseaux de la dépression [6, 39-41]. Il s’agit probablement du système de mémoire hippocampique-corticale [11], du réseau du mode par défaut, du système de contrôle frontopariétal et des zones cérébrales de traitement de la saillance et des émotions [3, 42]. L’implication de ces structures pourrait refléter la perception consciente de l’acouphène, l’attention qu’on lui porte, sa saillance et la détresse qui lui est associée [4, 42] ; en d’autres termes, la perception unifiée de l’acouphène peut résulter de réseaux multiples, parallèles, qui se chevauchent et interagissent [6]. Si ce modèle est correct, chaque aspect de la perception unifiée de l’acouphène peut être lié à un réseau, par exemple l’intensité sonore au réseau auditif-mémoire-salience [43-45], l’excitation/la détresse aux réseaux autonomes centraux qui se chevauchent avec le réseau de saillance [46, 47] et la dépression aux réseaux de saillance-émotion [48]. L’interaction entre les différents réseaux peut ensuite aboutir à une perception unifiée de l’acouphène qui peut varier en fonction des changements d’interactions/connectivité au sein du réseau et entre les réseaux, ce qui pourrait expliquer, du moins dans une certaine mesure, la variabilité temporelle de la perception de l’acouphène.

Étiologie multifactorielle

Nos connaissances sur les facteurs étiologiques et les mécanismes par lesquels ils provoquent les acouphènes ont considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Cependant, de nombreux aspects restent inconnus, en particulier la question de savoir ce qui déclenche exactement l’apparition d’un acouphène chez un patient donné. En d’autres termes, pourquoi une perte auditive entraîne-t-elle des acouphènes chez certains patients et pas chez d’autres ? De nombreuses personnes souffrent d’une perte auditive, et il est possible qu’un deuxième facteur soit essentiel, comme nous l’avons déjà mentionné : la modulation somatosensorielle, visuelle ou vestibulaire.

Cependant, d’autres facteurs de risque existent, comme le stress, qu’il soit psychologique ou physique, qui peut être impliqué dans la génération et le maintien des acouphènes [49, 50]. Les traumatismes du système auditif sont également des facteurs de risque, qu’il s’agisse de traumatismes physiques [24], d’exposition au bruit [51-53], de drogues (tabac [54], cannabis [55], alcool fort [16]) ou de médicaments (antibiotiques, agents antitumoraux, AINS, salicylates, antidépresseurs, inhibiteurs de l’ECA [56, 57]), et de toxines (chrome, cadmium, manganèse) [58].

Ainsi, les acouphènes peuvent résulter d’un processus multifactoriel, conséquence de multiples petits facteurs de risque qui s’accumulent. En clinique, nous trouvons souvent des combinaisons de ces facteurs de risque chez les personnes souffrant d’acouphènes et nous supposons que les différents risques peuvent s’accumuler dans des cas individuels. Néanmoins, il est impossible de prédire si une personne présentant ces facteurs de risque développera ou non des acouphènes, si et quand cette personne développera des acouphènes, et à quel point ces acouphènes seront pénibles.

Pertinence des facteurs étiologiques pour la prise en charge des acouphènes

Dans la prise en charge clinique des patients souffrant d’acouphènes, il convient d’essayer d’identifier et de modifier les facteurs de risque qui ont pu contribuer à l’apparition de l’acouphène. Dans de rares cas, le traitement réussi du facteur de risque peut guérir l’acouphène (par exemple chez les patients recevant un implant cochléaire en cas de surdité [59, 60]). Dans de nombreux autres cas, la charge des acouphènes peut être réduite par des interventions spécifiques (par exemple, des aides auditives qui compensent la perte auditive [61]) ; dans certains cas, le traitement du facteur de risque n’a un effet bénéfique évident que pendant la phase aiguë et parfois il n’a pas d’effet du tout. Ces observations suggèrent que d’autres facteurs, inconnus à ce jour, peuvent jouer un rôle dans le développement des acouphènes et que les mécanismes impliqués dans le maintien des acouphènes peuvent différer des mécanismes pertinents pour l’apparition des acouphènes. L’histoire naturelle des acouphènes montre qu’une fois présents, les acouphènes sont susceptibles de persister chez 80 % des patients, 20 % d’entre eux ayant une résolution spontanée complète dans les 4 ans [62]. Parmi ceux qui ont encore des acouphènes, 10 % s’aggravent, 10 % s’améliorent et 80 % restent inchangés [62]. Cela suggère que le réseau générateur d’acouphènes peut changer avec le temps [63], ce qui rend potentiellement plus difficile la modification de l’acouphène lorsqu’il est devenu chronique. Il a en effet été suggéré que lorsque l’acouphène est présent depuis 4 ans, il peut devenir plus difficile à traiter [64-66]. Hypothétiquement, on suppose que cela est lié au fait que l’acouphène devient lié au réseau du mode par défaut de l’auto-perception, c’est-à-dire que l’acouphène devient une partie de l’identité personnelle [42].

Variabilité de la perception

Acouphènes tonaux ou bruyants

Les acouphènes présentent une grande variabilité perceptive. Les acouphènes peuvent être perçus comme des sifflements, des bourdonnements, des gazouillis, des sifflements, des bourdonnements, des rugissements ou même des cris, avec la même tonalité ou avec des tonalités différentes ou une combinaison de tonalités et de bruits. L’hypothèse a été émise que les acouphènes tonaux sont liés à une activité accrue des voies classiques (également connues sous le nom de voies lemniscales) et que les acouphènes sonores sont liés à une activation accrue des voies non classiques (extralemniscales) [67, 68]. Alors que les voies classiques codent la fréquence de l’acouphène avec précision, les voies extralemniscales traitent le signal plus rapidement, mais avec moins de précision, et sont étroitement liées à des zones non auditives, comme l’amygdale ou l’insula [69]. Cependant, il existe peu de preuves expérimentales à l’appui de cette hypothèse [67, 70, 71].

Localisation des acouphènes

Les acouphènes peuvent être perçus de manière unilatérale (environ 45 %), bilatérale (environ 45 %) ou non latéralisée (environ 10 %) [72]. Cette variabilité peut au moins être partiellement expliquée en cas de perte auditive unilatérale. Dans ce cas, les acouphènes se manifestent généralement du côté de la perte auditive, ce qui corrobore la théorie de la désafférentation. Dans de nombreux cas, cependant, on ne sait pas exactement ce qui prédit la localisation de l’acouphène, en particulier chez les patients qui ressentent l’acouphène à l’intérieur de leur tête. En outre, certains patients ont des difficultés à localiser leur acouphène ou signalent que la localisation change avec le temps. En outre, plusieurs études ont démontré que la hauteur perçue de l’acouphène correspond à la zone de la perte auditive la plus prononcée [17, 18]. Cette constatation confirme la théorie selon laquelle l’acouphène est un son fantôme, résultant des efforts du cerveau pour compenser l’absence d’entrée auditive [73]. En outre, elle suggère que la génération d’acouphènes est médiée par un manque d’inhibition en amont, car un manque d’inhibition latérale entraînerait une hauteur d’acouphène à la fréquence limite entre l’audition normale et la perte auditive [74].

Acouphènes pulsatiles

Un acouphène pulsatile et synchrone avec le pouls évoque une anomalie de la circulation sanguine, due soit à une anomalie vasculaire (sténose, av-fistule ou malformation), soit à une augmentation de la circulation sanguine (anémie) ou, plus rarement, à un conflit microvasculaire [75, 76]. Cependant, chez de nombreux patients qui signalent des acouphènes pulsatiles synchrones, aucune anomalie de ce type ne peut être détectée. Une explication possible est que ces personnes pourraient être particulièrement sensibles aux bruits du corps et donc percevoir des sons générés par un flux sanguin régulier et donc transmis à l’oreille interne par conduction osseuse [77]. En outre, la transmission des bruits du corps à la cochlée pourrait être facilitée par une augmentation de la pression intracrânienne [78].

Variabilité des acouphènes dans le temps

Certains patients mentionnent que l’acouphène change de hauteur et d’intensité au fil du temps, ce qui peut être suivi par un traqueur d’acouphènes qui démontre que ces changements peuvent résulter de facteurs comportementaux et émotionnels au cours de la même journée ou de la journée précédente [79]. D’autres formes de variabilité temporelle ont également été signalées, par exemple en rapport avec le sommeil. Les patients présentant des acouphènes modulés par le sommeil ont une qualité de sommeil détériorée, et les modifications des acouphènes peuvent être liées à une altération du sommeil paradoxal [80]. Il n’est pas rare d’observer un schéma régulier en dents de scie sur 3 ou 4 jours, dans lequel 2 mauvais jours sont systématiquement suivis d’un bon jour, sans facteurs d’influence évidents. Jusqu’à présent, aucune explication satisfaisante de ces phénomènes n’a été proposée.

Les comorbidités : Facteur de risque ou conséquence des acouphènes

Les acouphènes sont associés à de nombreuses comorbidités. Ces comorbidités constituent à leur tour un aspect important des acouphènes car elles ont une grande importance pour le fardeau individuel de la maladie [81], mais elles sont également importantes en tant que point de départ de la prise en charge thérapeutique. Certaines d’entre elles peuvent représenter des facteurs de risque (par exemple la perte auditive), d’autres peuvent être des conséquences (par exemple les difficultés de concentration) et certaines peuvent être les deux (par exemple la dépression ou l’anxiété). Il n’est pas toujours possible de distinguer dans quelle mesure une comorbidité est un facteur de risque ou une conséquence de l’acouphène, mais quoi qu’il en soit, il est probable qu’il y ait un chevauchement des mécanismes physiopathologiques. Par exemple, l’insomnie est la comorbidité la plus pénible pour de nombreux patients acouphéniques (60 %) [82, 83] et les mécanismes de l’insomnie psychophysiologique et des acouphènes se chevauchent largement [9]. En outre, la détresse émotionnelle et cognitive associée à l’acouphène et les plaintes somatiques sont liées à l’insomnie [84, 85].

Hyperacousie, misophonie et phonophobie

L’association fréquente d’acouphènes et d’hyperacousie [86, 87] suggère que ces deux troubles peuvent être liés à une augmentation du gain dans les voies auditives centrales [88]. Dans le cas de la misophonie, la voie commune pourrait être le mécanisme qui génère le caractère aversif de sons spécifiques [89, 90], alors que dans la phonophobie, la peur des sons forts est le dénominateur commun [90]. Certaines études, mais pas toutes [91, 92], suggèrent un risque accru d’hypertension artérielle chez les patients acouphéniques, ce qui pourrait être un indicateur d’une activation sympathique accrue, ce qui va dans le sens d’une modulation des acouphènes par le stress [46, 50, 93].’

Acouphènes et douleur

Les acouphènes sont également liés à divers syndromes de céphalées [26, 94], ainsi qu’aux douleurs temporo-mandibulaires et cervicales [95], mais aussi à la fibromyalgie [27]. La comorbidité avec les syndromes douloureux peut s’expliquer par des mécanismes périphériques (C2 et nerf trijumeau) [96, 97] et centraux communs à la douleur chronique et à l’acouphène chronique [3, 11, 98-101].

Ampleur de la souffrance liée aux acouphènes

Les acouphènes avec souffrance associée sont définis comme des troubles acouphéniques [99], c’est-à-dire une pathologie à part entière, et non un symptôme associé à une autre pathologie. La mesure dans laquelle les acouphènes affectent ou affligent varie d’une personne à l’autre. La plupart des personnes souffrant d’acouphènes ne sont pas gravement gênées par leurs acouphènes [102]. En revanche, 20 % des personnes souffrant d’acouphènes sont gravement perturbées dans tous les aspects de leur vie et peuvent même être suicidaires [103]. Les connaissances sur les facteurs qui déterminent la gravité des acouphènes sont incomplètes. L’âge, les difficultés auditives, les problèmes de sommeil, l’exposition au bruit au travail, les médicaments ototoxiques et le névrosisme déterminent si une personne développe ou non des acouphènes gênants [62, 85]. Les personnes ayant des scores élevés sur les échelles de névrosisme sont plus gravement atteintes [104-107], et le sexe joue également un rôle, les femmes étant plus susceptibles de souffrir d’acouphènes sévères [12, 85]. Les caractéristiques perceptives du gestalt de l’acouphène, telles que l’intensité ou la hauteur de l’acouphène, semblent également jouer un rôle [108-110]. Cependant, tous les facteurs mentionnés n’expliquent que dans une faible mesure le degré de souffrance lié aux acouphènes. D’un point de vue neurobiologique, on suppose qu’un niveau élevé de détresse et un niveau élevé de charge acouphénique se traduisent par une co-activation des réseaux cérébraux liés au stress [3], mais là encore, on ne sait pas exactement ce qui détermine si ces réseaux sont co-activés ou non.

Modification des acouphènes par les sons

Chez la grande majorité des patients, l’acouphène est modifié par divers facteurs. Outre le stress et les émotions qui modifient l’acouphène [111], la modification causée par les sons externes est la plus étudiée. Les sons peuvent masquer l’acouphène et l’effet de masquage peut durer plus longtemps que la période de stimulation. Ce phénomène, connu sous le nom d’inhibition résiduelle, varie d’un patient à l’autre et dépend du type de son [112-114]. En général, les sons similaires à ceux de l’acouphène sont plus efficaces pour masquer et déclencher une période de silence [112-114]. Ces effets peuvent être expliqués par le concept selon lequel les acouphènes sont l’expression d’une désinhibition centrale résultant d’une réduction de l’inhibition en amont en raison d’une réduction de l’entrée auditive. Une augmentation de l’entrée, à son tour, conduit à une augmentation de l’inhibition directe et réduit la perception de l’acouphène. Cependant, les sons ne réduisent pas toujours les acouphènes. De nombreux patients signalent que certains sons augmentent leurs acouphènes. Le fait qu’un son réduise ou augmente l’acouphène d’un individu peut dépendre du type de son et de son intensité, et peut varier d’une personne à l’autre.

Modification des acouphènes par des mouvements de la tête, du cou ou du visage

De même, les manœuvres de la tête, du cou ou du visage peuvent moduler la perception de l’acouphène chez de nombreuses personnes souffrant d’acouphènes. Ce phénomène est considéré comme l’expression de l’interaction entre le système somatosensoriel et le système auditif [7].

Modification des acouphènes par l’attention et le stress

La perception des acouphènes peut également être réduite par la distraction. La plupart des patients souffrant d’acouphènes déclarent que l’acouphène s’estompe lorsqu’ils concentrent leur attention sur une activité. Des études d’imagerie ont montré que la réduction des acouphènes par la distraction est liée à une réduction de l’activité neuronale dans le cortex auditif [115]. Certains patients signalent que l’intensité des acouphènes augmente dans les situations de stress [49, 93]. Cela peut s’expliquer par une augmentation générale de la vigilance à l’égard des signaux sensoriels en cas d’activation sympathique. Cependant, toutes les personnes ne vivent pas la même situation de la même manière. La pandémie de COVID-19 en est un exemple récent : certains patients acouphéniques ont perçu la situation comme stressante et ont décrit une augmentation de leurs acouphènes, tandis que d’autres ont perçu moins de stress pendant la pandémie et ont signalé une diminution de l’intensité de leurs acouphènes [106].

Modification des acouphènes par le sommeil

L’effet modulateur du sommeil est moins bien compris [84]. De nombreux patients acouphéniques rapportent que leurs acouphènes pendant la journée dépendent de la qualité de leur sommeil la nuit précédente. Plus le sommeil nocturne est bon, plus l’intensité de l’acouphène est faible [80]. En revanche, la sieste pendant la journée exacerbe l’acouphène dans un sous-groupe de patients. Les mécanismes qui sous-tendent ces observations ne sont pas encore clairs et pourraient être élucidés par des études systématiques de polysomnographie chez ces patients [116].

Réponse aux traitements

Hétérogénéité de la réponse aux traitements

De nombreux traitements différents ont été étudiés pour les acouphènes [117]. La plupart des études de traitement n’ont pas trouvé de différence significative entre le groupe d’intervention et le groupe de contrôle et ont donc été considérées comme négatives. Cependant, dans la plupart de ces études, la réponse au traitement était très hétérogène. Cela signifie que certains participants à l’étude ont réagi positivement à l’intervention, alors que la plupart des autres ont réagi négativement. Il est évident qu’il serait hautement souhaitable d’identifier des sous-types d’acouphènes distincts qui répondent bien à des traitements spécifiques ou au moins de trouver des critères fiables qui peuvent prédire le résultat d’une intervention spécifique. Un premier pas dans cette direction a été fait en analysant les effets déclarés de diverses interventions thérapeutiques sur un large échantillon. Cette étude a montré que la réponse à certains traitements prédit le résultat d’autres traitements [118]. Ce résultat est la preuve qu’il existe des sous-types d’acouphènes qui diffèrent dans leur réponse à des traitements spécifiques. Cela signifie également que la réponse au traitement peut être améliorée par le sous-typage des patients. Sur la base de ces résultats, des systèmes d’aide à la décision sont actuellement développés pour aider les cliniciens à choisir un traitement basé sur les caractéristiques individuelles du patient [15].

Conseils et thérapie cognitivo-comportementale

Les résultats des traitements spécifiques fournissent également des indices permettant de mieux comprendre la physiopathologie des acouphènes. Les méthodes les mieux établies dans le traitement des acouphènes sont le conseil et la thérapie cognitivo-comportementale. Il est probable que ces deux méthodes fonctionnent selon des mécanismes similaires, à savoir en améliorant le contrôle cognitif et en réduisant les comportements dysfonctionnels. Cela indique que l’activité neuronale et la connectivité des réseaux liés au stress et à l’anxiété chez les patients souffrant d’acouphènes peuvent être modulées par le contrôle cognitif et désapprises par l’entraînement comportemental.

Aides auditives et implants cochléaires

Chez les patients acouphéniques souffrant d’une perte auditive, une amélioration thérapeutique de l’audition entraîne également une réduction des acouphènes, à la fois grâce aux aides auditives [61] et aux implants cochléaires [119, 120]. Cette constatation soutient clairement le concept selon lequel les acouphènes résultent de l’effort du cerveau pour compenser la réduction de l’entrée auditive. L’effet est plus prononcé avec les implants cochléaires [59], ce qui peut s’expliquer par le fait que les implants cochléaires alimentent des fibres nerveuses auditives désafférentées. D’autres formes d’amélioration de l’audition, telles que la chirurgie de l’oreille moyenne ou les aides auditives, améliorent l’audition en augmentant les niveaux de pression acoustique dans l’oreille interne, mais ne peuvent pas réactiver les neurones désafférentés. Par conséquent, leur effet sur les acouphènes est nettement moins prononcé que celui des implants de cochlée [121].

Traitement pharmacologique

La suppression transitoire des acouphènes après l’administration de lidocaïne par voie intraveineuse suggère que les acouphènes peuvent être traités efficacement par voie pharmacologique [122]. Malheureusement, les effets secondaires de la lidocaïne ne permettent pas son utilisation à long terme et aucun autre médicament n’a montré une efficacité comparable. Dans les cas où aucune cible médicamenteuse efficace n’a été identifiée dans les essais cliniques, des études sur des modèles animaux d’acouphènes suggèrent l’implication des canaux potassiques et du système GABA-ergique ainsi que du système glutamatergique [123]. Les informations recueillies sur les médicaments susceptibles d’induire des acouphènes en tant qu’effets secondaires permettent également de mieux comprendre les mécanismes moléculaires des acouphènes [56].

Stimulation cérébrale et neuromodulation

Diverses formes de stimulation cérébrale ont été testées et ont démontré que la stimulation de cibles uniques (par exemple le cortex auditif, le cortex préfrontal dorsolatéral ou le cingulaire antérieur) avait une efficacité plutôt limitée [124]. Des résultats plus prometteurs sont fournis par les efforts récents de stimulation bimodale, consistant en une combinaison de stimulation sonore et de stimulation électrique des afférences somatosensorielles. Cette approche a permis d’améliorer considérablement les acouphènes dans plusieurs études [125-128]. Ces résultats peuvent être interprétés comme un soutien indirect à l’idée que les acouphènes sont liés à des anomalies dans différents réseaux cérébraux en interaction [6, 42]. Dans le même ordre d’idées, on peut considérer qu’une approche pharmacologique qui envisage un cocktail de médicaments ciblant plusieurs récepteurs de neurotransmetteurs et/ou canaux ioniques différents [129] peut être l’analogue d’une neuromodulation multimodale.

Conclusion

De nombreux aspects cliniques des acouphènes sont encore incomplètement compris et ne peuvent être entièrement expliqués par les modèles physiopathologiques actuels. Les recherches futures devraient se concentrer sur une caractérisation clinique précise de ces aspects et sur leur base neurophysiologique afin d’obtenir des informations plus détaillées sur la physiopathologie des différents sous-types d’acouphènes ainsi que sur les cibles thérapeutiques potentielles. Cela pourrait aider à élucider s’il existe une voie finale commune aux différentes formes d’acouphènes qui peut être ciblée sur le plan thérapeutique ou si des approches thérapeutiques différentes pour les différents sous-types constituent une approche plus prometteuse.

Étant donné que les cibles pharmacologiques et anatomiques uniques ne produisent que des effets bénéfiques limités sur les acouphènes, on peut concevoir que les stratégies pharmacologiques axées sur des cibles multiples, les approches de neuromodulation multimodales ou une combinaison de médicaments, de neuromodulation et d’approches auditives peuvent constituer des approches thérapeutiques supérieures. La supériorité d’une telle approche combinée peut être basée sur une action synergique ou simplement sur le principe de l’effet coup de poing, car la combinaison de plusieurs thérapies augmente les chances d’inclure la bonne thérapie.